LA COUPE D’ANNE

 

 

La tondeuse électrique glissait lentement sur la peau soyeuse de la nuque de la jeune fille qui quelques instants à peine auparavant s’était installée sur le fauteuil mécanique garni de cuir rouge, dans ce salon de coiffure de quartier, où un homme sans âge officiait, aujourd’hui plus pour l’amour de l’art que pour gagner sa vie.

La jeune fille avait décidé de confier sa chevelure à cet homme qu’elle savait consciencieux et appliqué dans son ouvrage. Non pas qu’elle n’ait pas confiance en le savoir-faire des autres coiffeurs, mais pour ce qu’elle désirait, seul le vieux monsieur saurait faire comme elle voulait.

Anne depuis toujours était un peu « garçon manqué », au grand désespoir de sa mère qui aurait souhaité faire d’elle une vraie jeune fille romantique et fragile. Hélas la nature en décida autrement et la petite Anne dès son plus jeune âge se révéla dure et bagarreuse comme un petit mec malgré un visage et un corps qui ne pouvaient trahir sa féminité.

Jusqu’à l’âge de 12 ans elle eut du mal à supporter les couettes et les chignons que sa mère lui imposait, et un jour elle réussit à convaincre une copine de couper sa tresse. La mère, horrifiée par cette vision d’apocalypse, failli ne pas s’en remettre, et dès lors abandonna tout espoir de voir un jour sa fille en robe et crinoline…

Pour Anne ce fût l’épanouissement total. Pour réparer le massacre, sa mère l’emmena chez sa coiffeuse où elle dût accepter la coupe décidée, un carré assez court tout de même et qui dégageait bien sa jolie nuque. Puis, un mois plus tard, ce fût elle qui demanda l’argent pour sa coupe, qui imperceptiblement était déjà un peu plus courte, et le temps passant, la jeune fille allait de plus en plus fréquemment chez le coiffeur, qui depuis longtemps n’était plus le salon pour dames où l’avait conduit sa mère. Elle en avait fait deux ou trois déjà, et chaque fois ses superbes cheveux châtains y perdaient quelques centimètres de plus. Elle portait depuis longtemps les cheveux coupés comme un garçon, elle les avait même eu en brosse une fois, pour voir comme elle disait. Au lycée bien des influences l’avaient inspirée, entre punk et skinhead, les cours de récréation étaient pleines de bandes ayant un look ou un autre, et chacun attachait un soin particulier à sa coupe de cheveux qui était davantage un signe de reconnaissance que le reflet de leurs idées profondes. Ainsi quelques filles de ces bandes s’étaient équipées d’outils de coiffeur, et entre copains chacun soignait sa coupe. L’une d’elles possédait une tondeuse électrique, et en cela était très recherchée par les autres pour officier dans ce domaine. Bien sûr Anne ne tarda pas à se lier d’amitié avec ces bandes, car elle aimait assez couper les cheveux des autres, les filles comme les garçons. Elle avait tondu son petit ami du moment pour le seul plaisir de voir ses grandes mèches dégringoler sous la tondeuse. Pour elle s’était devenu un jeu et elle s’amusait comme une folle au point d’en être excitée.

Mais ce matin là, en entrant chez le vieux coiffeur, il s’agissait de tout autre chose pour elle. N’ayant pas coupé ses cheveux depuis longtemps, elle avait décidé de les raser complètement, de se faire « une boule à zéro » comme la chanteuse irlandaise que l’on voyait depuis quelque temps sur les écrans des hits parades. Elle trouvait cela sexy et avait essayé longtemps le soir devant sa glace en tirant comme elle pouvait ses cheveux en arrière au maximum. Elle avait le visage fin, les traits réguliers, une belle tête et elle pensait que cela lui irait parfaitement.

Elle entra donc ce matin là chez le vieux coiffeur habillée d’un jean et d’un simple t-shirt, ses cheveux presque blonds coiffés au bol, lisses et propres. Elle était seule, la première dans le salon avec le coiffeur qui lisait son journal sur son fauteuil. Il fût jovial et cela rassura la jeune fille qui appréhendait un peu le premier contact. Elle s’installa sur le fauteuil, et pendant que le coiffeur lissait ses cheveux soyeux, elle lui expliqua ce qu’elle attendait de lui : Une coupe à ras, à la tondeuse, avec pratiquement rien sur les côtés et la nuque et à peine quelques millimètres sur le sommet du crâne, pour ne pas avoir l’air simplement   « tondue » . Le vieux avait l’habitude des coupes comme celle là et cela lui plaisait de faire ça sur une jeune fille, comme il le faisait souvent aux jeunes militaires de la caserne à côté. La tondeuse glissait sans accroc dans la chevelure de la fille qui baissait la tête en collant son menton sur sa poitrine.

Le bol de ses cheveux disparu pour ne laisser que les mèches longues du dessus de la tête et la frange. Sur le reste, le coiffeur s’appliquait à passer et repasser la tondeuse hauteur de coupe 0000 sur la nuque, derrière les oreilles, les pattes, jusqu’à ce que la coupe soit parfaite, au millimètre. Il mis un sabot en plastique sur la lame de son appareil pour attaquer le dessus. Anne releva le front se regardant dans le grand miroir. Le vieux coiffait ses cheveux en arrière. Les épaules de la fille étaient couvertes de grandes mèches inertes, coupées net. La tondeuse mordait la frange relevée en arrière et d’autres mèches glissaient sur le nylon de la blouse qu’Anne avait enfilée quelques minutes auparavant. La tondeuse sillonnait son crâne et imperceptiblement la fille frissonnait à cette sensation.

Le vieux posa son appareil sur la tablette devant les yeux d’Anne et, armé d’un peigne et d’une paire de ciseaux droits qu’il faisait claquer fébrilement, il s’attacha à faire un « fondu » de la coupe pour que la séparation des côtés avec le dessus soit harmonieuse. Anne était un peu pâle mais heureuse du choix qu’elle avait fait en venant trouver le vieux coiffeur dans sa boutique. Sa main qui passait sur sa nuque ne rencontrait rien avant d’atteindre le sommet où là, elle prenait plaisir à caresser ce petit « paillasson » de cheveux ras.

J.E G Cette histoire vous a plu ? dites le a buzzboy_fr@yahoo.fr