L’école de Joséphine III

 

L'horloge montrait six heures : l’heure de la réunion. Tout en souriant une dernière fois face au miroir, Anne se précipita dans le Grand Hall.

Vingt-neuf têtes fraîchement coupées étaient déjà là et Anne se glissa à la dernière rangée, admirant ainsi les nuques courtes et brillantes des coupes que Mademoiselle Aline avait créé. Elle écouta Mlle Dumas dire qu’il était permis aux élèves d’écouter du jazz dans les salles communes, que la conduite de voiture automobile serait enseignée aux filles les plus âgées et qu’une coupe de cheveux serait administrée par Mademoiselle Aline toutes les six à huit semaines.

Anne remarqua que la nuque de certaines des filles étaient si courtes qu’elles en devenaient blanches ; Claire en faisait partie. Mais Anne sourit en pensant à elle, un large sourire en pensant aux cheveux rasés de sa nuque et au picotement qu’elle ressentait en y passant la main. Personnellement, elle espéra plutôt six semaines que huit.

Joséphine examina ses nouvelles élèves. Sans mot dire, elle apprécia le travail de son professeur de français pour son talent de coiffeuse. Toutes ces jeunes filles débarrassées de leurs longs cheveux, semblaient épanouies. Même la petite boulotte, cette Anne Cochet semblait métamorphosée. Anne regarda ses camarades de classe et s’aperçut qu'Aline avait coupé leurs cheveux plus courts qu'à un garçon dans la nuque. Toutes avaient en effet besoin de perdre un peu de poids et des cheveux courts les amincissaient.

Mademoiselle Aline annonça celles sur qui il avait été difficile d’accepter une telle transformation. Joséphine fut soulagée d’apprendre que la plupart des filles avaient été heureuses de changer de look. Mais, maintenant toutes écoutaient avec attention. Elles avaient toutes applaudi la décision sur le port de pantalon, le jazz et les voitures. Pas un d'entre elles n’avait laissé couler une larme au sujet des coupes de cheveux.

Joséphine donna congés à toutes ses élèves en souriant et les envoya vers la salle à manger. Son école aurait du succès. Pour un certain temps encore, jusqu’à ce qu’un autre copie son idée, son Ecole était unique.

A la fin de la première année, l’Ecole pour des Jeunes Filles Modernes de Mlle Dumas avait été citée dans trois magazines différents. Joséphine aimait profiter de cette popularité et elle avait même convié journalistes et photographes à assister aux coupes de cheveux des élèves et les articles en résultant avaient été favorables.

L’école s’assura ainsi une solide réputation et dès l'année suivante, Joséphine fit construire encore deux ailes supplémentaires pour loger les douzaines de filles qui s’agglutinaient sur une liste d'attente ; toutes avaient très envie de porter le pantalon et d’apprendre à conduire, écouter du jazz et aussi faire couper leurs cheveux. Des filles dont les parents étaient suffisamment d'esprit pour être d'accord avec ces modernités.

Le sang de Mme Cochet se liquéfia en voyant la coiffure d'Anne quand elle revint la chercher à la fin de l’année scolaire. Joséphine lui dit poliment qu’Anne se devait d’être prête à affronter l'avenir et capable de décider ce qui était bon ou pas. Anne dit qu'elle voulait conserver ses cheveux courts et revenir l’an prochain. Mme Cochet ne put que se retirer avec quelques faibles remerciements pour Joséphine.

" C’est un succès " pensa Joséphine avec extase en voyant la file d'attente des jeunes filles devant le salon de coiffure d'Aline, certaines d'entre elles parlant sans peur du style qu’elles voulaient pour leurs coupes de cheveux.

L’école pour Jeunes Filles Modernes de Mlle Dumas produisit quelques femmes étonnantes. Des chanteuses de jazz célèbres et des actrices, quelques pilotes de voiture de course, des exploratrices, des auteurs, des scientifiques et beaucoup de femmes d’affaire.

Une parmi la plupart des élèves ayant donner satisfaction fut d'Anne Cochet. Anne termina ses études à l’école de Mlle Dumas. Anne défia ses parents qui cherchèrent à la marier trop tôt. Dès qu’elle décrocha son diplôme, elle décida de choisir la philosophie et émigra en Amérique où elle créa sa propre Ecole.

Beaucoup de familles envoyèrent leurs filles à l'Académie d'Anne Cochet. Anne travailla dur et s’investit à fond. À trente ans, elle était millionnaire. A trente-cinq ans Anne Cochet devint une référence pour la plupart fille et comme Joséphine, elle fit les choses par amour et non pour l’argent et comme elle, Anne ne laissa jamais repousser ses cheveux.